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Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/274

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XI

Ce fut dans l’automne de 1863, après la fin des troubles polonais, que je revis le comte Komarof à Lemberg. Toute sa personne était devenue en quelque sorte plus virile, et ses yeux rayonnaient de satisfaction, c’est le seul changement que je remarquai en lui.

— Eh bien ! me dit-il quand nous fûmes assis chez moi, en face d’une bouteille de tokai, je pense que mes théories sur le mariage ont eu le temps de subir l’épreuve de la pratique. Voilà bientôt six ans que j’ai vu Marcella pour la première fois, et je puis te dire que nous nous aimons davantage de jour en jour, je ne sais où nous nous arrêterons ! Et il faut voir comment la comtesse Komarof sait tenir son rang au milieu des dames de la noblesse ! Et belle ! Il est vrai qu’elle n’a encore que vingt-quatre ans, cependant nous avons déjà trois enfants…

— Comment sont-ils, tes enfants ?

— Sacha, l’aîné, qui a cinq ans à l’heure qu’il est, c’est tout le portrait de sa mère ; Constantin, qui marche déjà tout seul aussi, tient de la maison Tchornochenko, et Olga, qui aura tantôt un an, me ressemble, à ce qu’on prétend. Nous avons maintenant beaucoup de besogne à la maison, surtout à cause des enfants, et d’un autre côté je ne puis plus me passer de ma femme : nous en sommes là, qu’elle ne peut pas choisir un dessin de broderie sans avoir pris mon avis, et que moi, je