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Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/48

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ne boit que de l’eau, va tous les jours aux bains de vapeur, porte une grosse chaîne sur un gilet de velours rouge, et ne manque jamais de se signer avant le potage et après le dessert.

Puis un noble, Dombovski, un Polonais haut de six pieds, — des yeux rouges, une moustache mélancolique et des poches vides ; quête toujours pour les émigrants. Lorsqu’il voit quelqu’un pour la deuxième fois, il le serre sur son cœur et l’embrasse tendrement. S’il a bu un verre de trop, il pleure comme un veau, chante : la Pologne n’est point perdue encor, s’empare de votre bras pour vous confier toute la conjuration, et s’il est gai tout à fait, il porte un toast : Vivat ! aimons-nous ! et boit dans les vieux souliers des dames.

Ensuite le révérend M. Maziek, un type de curé de village, qui avait une consolation pour tout ce qui vous arrivait : naissance, mort, mariage. Il vantait surtout ceux qui s’endormaient dans la paix du Seigneur ; l’église, disait-il, les a distingués par un tarif plus élevé. Il avait son mot pour appuyer son discours : purgatoire ! comme d’autres disent, parbleu ou ma parole.

Puis encore le savant Thaddée Kuternoga, qui depuis onze ans se prépare à passer sa thèse de docteur ; enfin un propriétaire, Léon Bodoschkan, un véritable ami, celui-là, et d’autres gentilshommes bons vivants. Tous gais ! gais comme un essaim d’abeilles : mais devant elle ils se contenaient. Les femmes aussi venaient la voir, de bonnes amies qui ne font que jaser, sourire, jurer leurs grands dieux,