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Page:Sacher-Masoch - Sascha et Saschka (suivi de) La Mère de Dieu, 1886.djvu/136

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LA MÈRE DE DIEU.

beau teint coloré. Mais elle était loin d’être aussi jolie que sa sœur. Son visage avait aussi peu d’expression qu’une citrouille creuse où l’on aurait placé une chandelle. Ses cheveux étaient d’un blond très clair. Elle tenait les yeux très ouverts et avait toujours l’air stupéfait. Elle s’éloigna, suivie des autres jeunes filles, tandis que la vieille femme, qui était petite et maigre et marchait voûtée et comme courbée sous un joug, tirait Mardona par sa manche.

« La vaisselle est-elle lavée ? » lui demanda celle-ci. La vieille fit de la tête un signe affirmatif.

« Maintenant tu peux aller préparer le déjeuner, mère », ordonna Mardona.

La vieille femme soupira, s’éloigna et rentra dans la maison, dont elle ferma la porte derrière elle. Sabadil resta seul avec Mardona. Il était surpris de ce qu’elle donnait des ordres à tout le monde, et de la façon respectueuse avec laquelle on lui obéissait, tandis qu’elle restait assise, là, les bras croisés, comme une barine. Le sang afflua au cerveau de Sabadil. Il sentit qu’il craignait cette femme et que son amour pour elle était profond.

« Eh bien, Sabadil, reprit la jeune fille, maintenant que nous sommes seuls, si tu as quelque chose à me demander, parle.

— Je ne sais,… les paroles me manquent,… balbutia-t-il.

— Dois-je parler pour toi ?

— Tu le peux, murmura-t-il. À toi mon cœur est ouvert…

— Tu m’aimes, Sabadil ?