Aller au contenu

Page:Sacher-Masoch - Sascha et Saschka (suivi de) La Mère de Dieu, 1886.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
26
SASCHA ET SASCHKA.

que de coutume. Tandis que Sascha remplissait du matin au soir les pieuses fonctions de son ministère, disant la messe, baptisant les enfants, unissant les fiancés, visitant les malades, consolant les mourants, Spiridia veillait continuellement aux soins de son petit ménage. Elle n’avait pour domestiques qu’une fille et un jeune garçon, qu’elle avait choisis dans le pays.

Des rideaux blancs furent suspendus aux fenêtres, les murs de la cuisine furent ornés d’ustensiles brillants de propreté et la table fut abondamment pourvue. On installa dans l’étable une vache que la jeune femme avait amenée, et deux poules se pavanèrent dans la cour. La grange seule resta vide provisoirement.

À la vérité tout cela avait peu d’importance, mais il y avait de la vie dans ce petit nid où l’amour prêtait de l’éclat à toute chose. Puis, quand la gelée couvrait les vitres de rameaux cristallins et scintillants et que la neige s’élevait en hautes murailles derrière lesquelles les hommes se trouvaient comme emprisonnés, combien le pauvre desservant était heureux de s’asseoir à une table proprement servie et de voir entrer sa jeune femme portant la soupe fumante !

Dans les longues et calmes soirées d’hiver où l’on ne pouvait distinguer au loin que le terne éclat des lumières ou le vacillement de la flamme dans les cabanes du village, ou bien encore les yeux étincelants du loup qui errait à la recherche d’une proie, et où l’on n’entendait que le tic-tac de la montre, le pétillement des bûches flambant dans le grand fourneau, et le petit bruit monotone du ver de bois, combien Sas-