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Page:Sacher-Masoch - Sascha et Saschka (suivi de) La Mère de Dieu, 1886.djvu/72

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SASCHA ET SASCHKA.

et finirait par ne pas vouloir nous laisser partir.

— Tu as raison. »

Dans l’ouest de l’Europe il ne s’accomplit plus de miracles, et, quand il y en a, on n’y croit pas, mais au château du savant M. Zagoinski, malgré la présence de Voltaire, il se fit un miracle, du moins deux bonnes âmes en eurent la conviction secrète et inébranlable.

Dès cette nuit-là même, Marga vit son état s’améliorer, et à peine trois semaines s’étaient-elles écoulées, qu’elle recommençait à danser la mazurka avec Saschka.

Deux jours après, dame Zagoinska, accompagnée de sa fille, s’enfuit littéralement du château où Voltaire et son mari régnaient en maîtres. Elle ne s’était point fait scrupule d’obscurcir l’esprit du savant libre-penseur en lui servant un punch dans lequel elle avait mis plus de rhum que de coutume, et, quand le seigneur propriétaire se mit à ronfler assez fort pour que les domestiques qui se trouvaient dans sa chambre entendissent que leur tyran dormait du sommeil du juste, la mère et la fille s’échappèrent du logis et sortirent par la porte du jardin où Saschka les attendait, muni d’un pistolet à deux coups et d’un solide bâton noueux.

Par une fraîche nuit de septembre éclairée par la lune, ils partirent donc en pèlerinage ; la rosée miroitait en perles d’argent sur les dahlias, les plantes et le gazon ; elle étendait aussi son voile humide sur l’opulente chevelure des deux châtelaines.

Saschka portait sur l’épaule son sac de voyage sus-