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Page:Sacher-Masoch - Sascha et Saschka (suivi de) La Mère de Dieu, 1886.djvu/73

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SASCHA ET SASCHKA.

pendu à un bâton ; il donnait le bras à Mme Zagoinska. Marga les devançait d’un pas leste et gracieux.

Ils cheminèrent pendant une nuit et un jour, s’arrêtant de temps en temps dans un cabaret juif pour y prendre quelque nourriture. Ils passèrent la deuxième nuit dans une auberge de la rue Impériale, et le second jour ils arrivèrent au lieu du pèlerinage.

Ce long voyage, dans lequel Saschka accompagna ces dames, fut pour lui une promenade agréable, mais un peu trop prolongée.

Tout ce qui s’offrait à leur vue pendant le voyage était une jouissance pour les deux jeunes gens : le jeu argenté de la lune sur les touffes d’herbe couvertes de rosée, sur les troncs blancs des bouleaux et sur le miroir des eaux, le bruissement imposant des arbres de la forêt produit par la brise matinale ; puis les chants des oiseaux aux premières lueurs du jour, l’apparition du disque d’or à l’horizon, la beauté tranquille du paysage d’automne à la pleine lumière du jour, les sombres bandes d’oiseaux de passage qui se dirigeaient vers le sud, les joyeuses danses auxquelles se livraient les insectes, les fils de la Vierge qui voltigeaient dans l’air pur et diaphane, le chant des laboureurs, et jusqu’aux canards qui se baignaient dans les mares bourbeuses avec une gravité comique.

Marga et sa mère gravirent sur leurs genoux les degrés qui conduisaient à l’église du pèlerinage ; elles prièrent sur le pavé devant l’image de la Vierge noire miraculeuse, le regard baissé et les bras en croix ; enfin elles offrirent à la sainte mère de Dieu un pied