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SASCHA ET SASCHKA.

— Dis-moi, Marga, où est ta mère ? Il faut qu’elle assiste à notre conversation. »

Zagoinski s’étant retourné, Sascha en profita pour passer à Marga, sous la table, la lettre, que la jeune fille fit glisser rapidement dans sa large manche.

« À la bonne heure ! voilà un prêtre comme il en faudrait beaucoup ! Jamais je ne fais de compliments à personne, mais, mon cher curé, je m’incline avec respect devant vous. »

Zagoinski souleva, en effet, la toque qu’il portait, et demanda une bouteille de tokay. Marga partit en toute hâte pour la lui procurer.

Son père ne remarqua point qu’un autre qu’elle avait été chargé de la rapporter. Il ne s’aperçut pas davantage du moment où elle rentra et s’assit près du curé, après un certain temps, ayant dans sa poche la lettre de Saschka.

« Je l’ai toujours dit, reprit Sascha, on devrait non seulement lire Voltaire, mais encore l’étudier. »

Zagoinski posa la main sur son bras et hocha vivement la tête en signe d’adhésion, tandis qu’il s’enveloppait d’un nuage de fumée de tabac.

« Vous l’avez étudié, monsieur Zagoinski ?

— Assurément, monsieur le curé, comme vous devez bien le penser, répondit celui-ci.

— Ah ! si tout le monde était comme vous, il serait facile de s’entendre. Mais où diable ma femme peut-elle donc rester si longtemps ?

— Votre honorable épouse ne partage peut-être pas vos idées ?

— C’est une vraie dévote, je vous le dis.