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Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/264

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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


d’un sentiment de gêne lorsqu’on voit madame de Sade s’enquérir, peu de jours après le décès, des dispositions de la défunte et s’étonner que ses deux testaments ne soient pas ce qu’elle lui avait fait entendre, donner des ordres pour faire reprendre un peu de bois qu’elle n’avait pas payé, prier Gaufridy d’inventorier, avec la famille, les objets dont elle avait fait usage, honnêtement et sans vilenie il est vrai, mais aussi en prenant bien garde de ne pas être dupe des friponneries qu’on voudrait lui faire. La demoiselle était si pauvre que la marquise ne peut être poussée par la cupidité, pas plus que sa mère ne l’est, dans l’expression de ses regrets, par un intérêt véritable, mais leurs façons de voir, jusque-là opposées, font une sorte de chassé-croisé au-dessus de la tombe.

Gaufridy a bientôt repris tous les avantages dont il avait été dépouillé. Rousset respire encore que madame de Sade assure l’avocat qu’elle n’était point un obstacle à l’exercice de ses pouvoirs et qu’aucun ordre secret n’a été donné pour les restreindre. Les clefs de la Coste lui sont remises et madame reconnaît avec lui qu’il aura fort à faire pour mener à bien la tâche qui lui échoit : l’ordre n’est point parfait, la dépense a été trop forte et il y a certains détails où la marquise ne reconnaît pas la propreté de son amie. En somme elle a changé de ton, mais non pas de manière : elle continue à répondre à ce qu’on lui mande, mais le tour de l’avocat est venu de mettre sous ses yeux ce qu’il veut qu’elle voie d’abord. Celui-ci est d’ailleurs trop fin pour user de la permission d’entrer partout et de tout voir : il représente à madame de Sade qu’il vaut mieux ne pas ouvrir le cabinet du marquis pour ôter aux Costains tout prétexte à inventer des histoires. Mais il a mis la main sur les lettres que la marquise a écrites à mademoiselle de Rousset et lui exprime, à l’occasion d’un compliment qu’il en reçoit touchant la reddition de son compte, sa peine d’avoir été mal jugé après toutes les preuves d’attachement et de droiture qu’il a données aux seigneurs. Par un détour assez venimeux, l’avocat met ce qu’il sait sur le compte d’une confidence de la défunte.

La marquise a senti la pointe, mais elle n’est point femme à s’appesantir sur une situation fausse et court aux nouvelles réalités qui la pressent. De ce nombre est l’affaire des bois que l’on veut couper pour la marine, bien que la guerre soit terminée. La marquise fait, à cette occasion, un tableau instructif, si toutefois il est exact, de la façon dont se comportent les fermiers des adjudications royales. La succession au