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Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/265

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MARQUIS DE SADE — 1784
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greffe de la justice cantonale et au notariat de Saumane soulève par ailleurs bien des compétitions : elle va mettre la famille en conflit avec le vice-légat et amènera bientôt l’entrée en scène de la terrible tante de Villeneuve.

Le marquis fait si peu parler de lui qu’on est tenté de l’oublier, mais il ramène l’attention sur sa personne par une manifestation pompeuse. Il a appris, dit-il, la mort d’une de ses tantes religieuses (qui, en fait, remonte à quatre ans) et vient donner des ordres pour que sa pension soit reversée sur la tête des deux autres. Le geste serait beau (et, de toutes façons, il est honnête) s’il était aussi spontané qu’il veut le paraître. Mais, peu de jours après, une seconde tante religieuse, la bernardine de Cavaillon vient à mourir et l’abbesse réclame pour sa maison l’avantage de cette réversibilité, notamment les quatre ans de pension acquis à ce titre depuis la mort de l’abbesse de Saint-Laurent. On apprend ainsi que le report de tête à tête n’a pas été octroyé par le marquis, mais bien par le feu comte, dans un article de son testament qui d’ailleurs ne se retrouve pas. La prétention des filles de Saint-Bernard est repoussée et c’est finalement la troisième nonne, madame de la Coste, qui bénéficie de l’accroissement. Le plus plaisant est que la survivante soit justement celle des tantes de M. de Sade qu’il croyait morte. Faute de pouvoir la convaincre qu’elle a cessé de vivre, on tâche de lui faire entendre qu’elle sera désormais trop riche et qu’il convient de consacrer une partie des revenus accumulés sur sa tête à payer les dettes de feu l’abbé son frère. Pour mieux ménager l’avenir, Ripert reçoit l’ordre de ne servir la rente que tous les six mois et de tenir à l’œil l’entourage de la vieille fille. Mais on n’en tire rien, sinon une assurance vague qu’elle ne dépensera pas plus qu’il ne lui faut pour subsister, et le marquis se plaint, quelques années plus tard, qu’elle ait été mal conseillée et qu’elle ait fait d’impardonnables sottises.

Les lettres donnent encore de nombreux détails sur l’administration des biens, les affaires de feu l’abbé, l’insouciance peu honnête du commandeur qui court la poste malgré son âge et roule son corps du côté de Lyon et de Genève, l’argenterie en gage, les compétitions autour des places vacantes, divers envois d’huile et de vin à madame de Montreuil, à la marquise et à sa sœur que l’on a mariée à un seigneur de Béthune. Les baux à faire ou à renouveler mettent un instant Gaufridy en relation avec le comte de Rantzau, représentant de l’illustre famille danoise de ce nom, qui s’est retiré à Ménerbes, où l’on voit encore son