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Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/284

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1787


Madame de Sade a la fièvre rouge ; elle s’en défait sans dommage, avale une purge surnuméraire contre les revenez-y et va visiter son époux qui lui a fait demander six cents livres.

C’est l’année du commandeur ! L’admiration et le respect que la famille lui témoigne n’ont du reste rien de commun avec le faux culte dont on entoure les parents à héritage, car les membres de l’ordre de Malte ne sont qu’usagers de leurs biens et ce n’est point sur sa dépouille que l’on compte, mais sur les manifestations de son bon vouloir.

Pendant son séjour à Paris, il a daigné faire connaître ses intentions et « elles ont paru avantageuses au bien de la famille ». Cet homme est de l’argent vivant et le haut pouvoir qu’il incarne ennoblit jusqu’à la cupidité de ses proches : le réalisme de la présidente elle-même cède à une illusion qui touche à l’extase. Les cristallisations bourgeoises de cet ordre ne sont point rares, et la sécheresse de certaines âmes tient plus à l’étroite rigueur de la loi qu’elles suivent qu’à un défaut de possibilités mystiques.

Mais le grand prieuré de Toulouse n’est pas encore vacant et l’auberge coûte cher. Le commandeur, qui ne se laisse pas griser par l’encens qu’on lui brûle, estime que, si son petit neveu attend quelque profit de ce sacrifice, il doit le partager avec lui. Il propose donc à madame de Sade de tenir auberge six mois chacun. La marquise ne songe même pas à décliner la proposition. Elle se décide à prélever douze mille livres sur les revenus et presse Gaufridy de lui en faire parvenir d’abord trois mille, qu’il se procurera comme il le pourra. Si le commandeur vient à mourir, on arrêtera les frais ; s’il vit, ce sera de l’argent bien placé.

Le chevalier, après la réception de ses preuves, part pour Saint-Cloud, d’où il gagnera Malte. La marquise le suit de loin au cours de