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Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/285

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CORRESPONDANCE INÉDITE DU MARQUIS DE SADE — 1787
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ce voyage, s’inquiète de l’argent qu’on lui donne, charge Gaufridy de le pourvoir de linge et d’un petit mobilier. La mère a d’ailleurs abdiqué tout pouvoir entre les mains du commandeur, à qui les lettres donnent, pour la première fois, le titre de bailli. Madame de Montreuil lui abandonne pareillement la direction de son petit-fils. Sa tutelle est finie. Fasse le ciel que le grand-oncle soit content de son élève et que les bonnes intentions qu’il a marquées deviennent bientôt efficaces !

L’aîné est toujours en garnison à Belle-Isle et ne veut pas qu’on l’oublie. S’il n’a pas le choix des moyens, celui dont il se sert est des plus énergiques : il déclare ses dettes. Il en a fait pour dix-huit cents livres en trois ans et demande humblement qu’on les lui avance, sauf à les retenir, pendant trois autres années, sur sa pension. C’est le défaut d’ordre et un peu de jeu qui en sont cause. Mais le déficit est plus grand qu’il ne l’a avoué. On s’aperçoit bientôt qu’il ne faudra pas moins de quatre mille livres pour le combler. Du reste il se conduit très bien et son cas n’est pas unique. Il l’est même si peu que son frère se trouve bientôt pendu à la même potence, bien qu’il ait été sage comme un Caton durant son séjour à Paris. Les emprunts qu’il a contractés à son corps et pendant qu’il était aux eaux atteignent sensiblement le même chiffre.

Les dépenses d’auberge ne viendront pas, heureusement, s’ajouter à celles-ci. M. le grand prieur de Toulouse suit son collègue de Saint-Gilles dans la tombe et cette fois la succession échoit à M. le bailli qui ne finit même pas son semestre. L’argent dont la marquise avait fait mentalement le sacrifice (elle avoue à Gaufridy qu’elle avait une petite réserve) n’ira pas à Malte et servira à racheter, jusqu’à due concurrence, la pension d’un capital de vingt-cinq mille livres que l’on sert à M. de Caumont. Toutefois elle juge honnête et de bonne politique de maintenir l’offre faite au grand prieur, tout en lui marquant bien le profitable emploi qu’on fera de cet argent s’il le refuse. C’est un risque à courir.

Le chevalier a résidé huit jours chez son grand-oncle. Il y a fait la connaissance de la tante la Coste, de la tante Villeneuve et d’une fille de celle-ci, madame de Raousset, à qui il promet d’envoyer, quand il sera à Malte, un fiasque d’eau de fleurs d’oranger. Cette dame est deux fois comblée, s’il est exact (comme l’assure le marquis) qu’elle ait pris au chapeau de son petit-cousin la fleur d’orange qui l’ornait encore ! Le cadet s’embarque enfin à Marseille, après une visite à la Coste où

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