Aller au contenu

Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 1, 1795.djvu/302

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ne sommes-nous pas ici-bas, comme des joueurs autour d’une table ?… La fortune favorise-t-elle tous ceux qui s’y trouvent ? et de quel droit osent l’accuser ceux qui sèment leur or, au lieu d’en recueillir ? Il y a une somme à-peu-près égale de biens ou de maux, suspendue sur nos têtes, par la main de l’Éternel ; mais il est indifférent sur qui elle tombe ; je pouvais être heureuse comme je suis infortunée ; c’est l’affaire du hazard, et le plus grand de tous les torts est de se plaindre… Eh ! s’imagine-t-on d’ailleurs qu’il n’y ait pas quelque jouissance,… même dans l’excès du malheur ; à force d’aiguiser notre ame, il en augmente la sensibilité ; ses impressions sur elle, en développant d’une manière plus énergique toutes les manières de sentir, lui font éprouver des plaisirs inconnus à ses êtres froids, assez malheureux pour n’avoir jamais vécu que dans le calme et dans la prospérité : il y a des larmes si