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Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 1, 1795.djvu/91

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ouvrages nouveaux, et la lecture se fait jusqu’à minuit, heure où chacun se sépare pour aller prendre les forces nécessaires à recommencer le lendemain ; cette vie ainsi coupée, a l’art de nous faire passer les jours avec tant de rapidité, qu’excepté moi, mon ami, qui trouve toujours trop longs les instans où je dois exister sans vous, chacun en vérité croit n’être ici que d’hier.

On part pour les aventures. Je vous quitte ; que diriez-vous, mon ami, si quelque géant… Ferragus, par exemple, le fléau du brave chevalier Valentin ; si, dis-je, cet incivil personnage allait vous enlever votre Aline ?… Vous armeriez-vous de pied-en-cap pour combattre le déloyal ?… oui, mais si Aline était déjà la femme du géant.

Ô mon ami, je suis moins triste ce soir, je ne sais pourquoi ; mais ma mère est si aimable !… sa tendresse pour moi est si vive !… elle me console si bien !… elle laisse naître avec tant de bonté dans mon cœur, l’espoir heureux d’être un jour à tout ce que j’aime, qu’elle adoucit un peu le chagrin d’en être séparé.