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Page:Sade - Cahiers personnels, Adélaïde de Brunswick, Pauvert, 1966.djvu/372

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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


expirer dans ces lieux, sans connaître ceux qui m’ont fait du mal et sans vouloir me venger d’eux : prendre ce soin moi-même serait douter de la justice du ciel, et c’est en lui seul que je mets toute ma confiance. Ne croyez pourtant pas, madame, que je l’implore à ce dessein : je jure par les cendres de ces deux êtres qui me furent si chers que je n’ai jamais demandé, pour leurs bourreaux, que le bonheur dont ils sont indignes, que leur repentir et leur conversion.

— Ah ! saint homme, dit Adélaïde, souffrez que je pleure avec vous ces victimes d’une rage féroce ; et j’avoue que si je trouve quelque douceur à remonter sur le trône de Saxe, ce n’est que pour découvrir vos ennemis et pour vous en venger.

— Non, non, madame, dit Urbain ; en désirant de répandre leur sang je serais aussi méchant qu’eux. C’est une jouissance pour moi d’être malheureux sans qu’ils le soient… Ne troublez pas la dernière que je puisse encore goûter dans ma retraite.

— Vous avez autant de délicatesse que de piété, mon Père, et vous méritez dans le ciel la place que ces scélérats n’occuperont jamais.

— Et pourquoi donc, s’ils se sont repentis ?

— Vénérable et malheureux Urbain, reprend