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Page:Sade - Cahiers personnels, Adélaïde de Brunswick, Pauvert, 1966.djvu/373

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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


la princesse, veuillez jeter encore un peu de jour sur cette terrible aventure. Pourquoi, lorsque je m’échappai de la forteresse incendiée de Torgau, suivie de Bathilde, cette compagne de mon sort, pourquoi, dis-je, fûmes-nous arrêtées par des gens qui se dirent de votre famille et sous le glaive desquels nous avons pensé périr toutes deux ?

— Je l’ignore madame, je n’ai plus aucun parent dans le monde ; nul ami même n’a pu prendre ma défense, ayant toujours caché mes maux avec le plus grand soin.

— La main qui cause vos malheurs, ô mon Père, est la même qui me persécute ; il faut que nous la connaissions.

— Ne le désirons pas, madame ; la vengeance n’est pas si douce que le pardon.

En ce moment, l’abbesse entra pour proposer aux étrangères de voir les jardins et les travaux de la maison. Adélaïde à voix basse défendit à Urbain de la faire connaître, et l’on se transporta à l’extérieur. Toutes les religieuses travaillaient à la terre.

— Que font-elles là ? demanda la princesse.

— Madame, répondit Urbain, elles préparent le sol qui doit les recevoir un jour ; elles l’amollissent par les larmes de la pénitence, et la nuit elles s’enveloppent du linceul qui doit les ensevelir.