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Page:Sade - Cahiers personnels, Adélaïde de Brunswick, Pauvert, 1966.djvu/400

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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


ringe, viens, viens donc de ta main anéantir les jours de celui dont tu attends la mort avec tant d’impatience !… Viens, en m’assassinant, briser les nœuds qui troublent ton bonheur. Je devrais te prévenir sans doute ; je devrais t’immoler sur le sein même de la malheureuse que corrompent tes indignes séductions ; je devrais, par des flots de sang puisés dans vos deux cœurs, cimenter les serments que vous venez de vous faire ; mais vos âmes perfides s’uniraient par ce mélange impur. Je veux vous enlever jusqu’à cette jouissance, et, guidé par l’honneur, ce n’est qu’aux Champs de Mars que je dois me venger. Viens-y trouver la mort ou celle que tu aimes. Je veux, si j’y succombe, que mon cœur arraché par tes mains lui soit présenté tous les jours. Tu m’obéiras, Thuringe ; souviens-toi que ce sont mes derniers ordres.

— Allons, prince, marchons, dit le rival de Frédéric en reprenant l’attitude fière que lui donne à la fois et son courage et son amour. Oui, volons au combat ! je vous suis. Sur moi seul doit tomber toute votre fureur. Adélaïde est innocente ; je suis prêt à vous faire telle raison qu’il vous plaira. Fixez l’heure et le lieu : là je vous prouverai que celui que vous jugeâtes digne de tenir les rênes de l’État, l’est aussi de se mesurer avec vous.

Les deux rivaux se séparèrent. Frédéric donna