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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/161

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autres autant de bien que je recevrais de peines en me contraignant à l’être, ne vaudra-t-il donc pas mieux que je renonce à leur procurer un bonheur qui doit me coûter autant de mal ? Reſte maintenant le tort que je peux faire aux autres étant vicieux, & le mal que je recevrai à mon tour, ſi tout le monde me reſſemble. En admettant une entière circulation de vices, je riſque aſſurément, j’en conviens ; mais le chagrin éprouvé par ce que je riſque eſt compenſé par le plaiſir de ce que je fais riſquer aux autres ; voilà dès-lors l’égalité établie ; dès-lors tout le monde eſt à-peu-près également heureux : ce qui n’eſt pas & ne ſaurait être dans une ſociété où les uns ſont bons & les autres méchans, parce qu’il réſulte de ce mélange, des pièges perpétuels, qui n’exiſtent point dans l’autre cas. Dans la ſociété mélangée, tous les intérêts ſont divers ; voilà la ſource d’une infinité de malheurs ; dans l’autre aſſociation, tous les intérêts ſont égaux, chaque individu qui la compoſe eſt doué des mêmes goûts, des mêmes penchans, tous marchent au même but : tous ſont heureux. Mais, vous diſent les ſots, le mal ne rend point heureux ; non, quand on eſt convenu d’encenſer le bien ; mais dépriſez, aviliſſez ce que vous appelez le bien, vous ne révérez plus que ce que vous aviez la ſottiſe d’appeler le mal ; & tous les hommes auront du plaiſir à le commettre, non point parce qu’il ſera permis ; (ce

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