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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/209

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ſi quelquefois mon imagination s’était égarée ſur ces plaiſirs, je les croyais chaſtes comme le Dieu qui les inſpirait, donnés par la Nature pour ſervir de conſolation aux humains, je les ſuppoſais nés de l’amour & de la délicateſſe. J’étais bien loin de croire que l’homme, à l’exemple des bêtes féroces, ne pût jouir qu’en faiſant frémir ſa compagne… Puis revenant ſur la fatalité de mon ſort… Ô juſte Ciel ! me diſais-je, il eſt donc bien certain maintenant qu’aucun acte de vertu, n’émanera de mon cœur, ſans qu’il ne ſoit auſſitôt ſuivi d’une peine ! Et quel mal faiſais-je, grand Dieu ! en déſirant de venir accomplir dans ce Couvent quelques devoirs de religion ? Offenſé-je le Ciel en voulant le prier ! Incompréhenſibles décrets de la Providence, daignez donc, continuai-je, vous ouvrir à mes yeux, ſi vous ne voulez pas que je me révolte contre vous ! Des larmes ameres ſuivirent ces réflexions, & j’en étais encore inondée, quand le jour parut ; Omphale alors s’approcha de mon lit.

Chere compagne, me dit-elle, je viens t’exhorter à prendre du courage ; j’ai pleuré comme toi dans les premiers jours, & ; maintenant l’habitude eſt priſe ; tu t’y accoutumeras comme j’ai fait ; les commencemens ſont terribles : ce n’eſt pas ſeulement la néceſſité d’aſſouvir les paſſions de ces débauchés qui fait le ſupplice de notre vie, c’eſt la perte de notre liberté, c’eſt la maniere

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