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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/210

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cruelle dont on nous conduit dans cette affreuſe maiſon.

Les malheureux ſe conſolent en en voyant d’autres auprès d’eux. Quelque cuiſantes que fuſſent mes douleurs, je les appaiſai un inſtant, pour prier ma compagne de me mettre au fait des maux auxquels je devais m’attendre.

Un moment, me dit mon inſtitutrice, leve-toi, parcourons d’abord notre retraite, obſerve tes nouvelles compagnes ; nous diſcourrons enſuite. En ſouſcrivant aux conſeils d’Omphale, je vis que j’étais dans une fort-grande chambre où ſe trouvaient huit petits lits d’indienne aſſez propres ; près de chaque lit était un cabinet ; mais toutes les fenêtres qui éclairaient ou ces cabinets ou la chambre, étaient élevées à cinq pieds de terre & garnies de barreaux en dedans & en dehors. Dans la principale chambre était au milieu une grande table fixée en terre, pour manger ou pour travailler ; trois portes revêtues de fer cloſaient cette chambre ; point de ferrures de notre côté ; d’énormes verroux de l’autre. — Voilà donc notre priſon, dis-je à Omphale ? — Hélas ! oui, ma chere, me répondit-elle ; telle eſt notre unique habitation ; les huit autres filles ont près d’ici une ſemblable chambre, & nous ne nous communiquons jamais, que quand il plaît aux Moines de nous réunir. J’entrai dans le cabinet qui m’était deſtiné ; il avait environ huit pieds quarrés ; le jour y ve-