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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/231

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retraite eſt notre tombeau, mais nous aſſaſſinent-ils ? Juſte Ciel ! Le meurtre, le plus exécrable des crimes ſerait-il donc pour eux comme pour ce célébre Maréchal de Retz[1] une ſorte de jouiſſance dont la cruauté exaltant leur perfide imagination, pût plonger leurs ſens dans une ivreſſe plus vive ! Accoutumés à ne jouir que par la douleur, à ne ſe délecter que par des tourmens & par des ſupplices, ſerait-il poſſible qu’ils s’égaraſſent au point de croire, qu’en redoublant, qu’en améliorant la premiere cauſe du délire, on dût inévitablement le rendre plus parfait, & qu’alors ſans principes, comme ſans foi, ſans mœurs, comme sans vertus, les coquins abuſant des malheurs où leurs premiers forfaits nous plongerent, ſe ſatisfiſſent par des ſeconds qui nous arrachaſſent la vie. Je ne ſçais ?… Si on les interroge ſur cela, ils balbutient, tantôt répondent négativement, & tantôt à l’affirmative ; ce qu’il y a de ſûr, c’eſt qu’aucune de celles qui ſont ſorties, quelques promeſſes qu’elles nous ayent faites de porter des plaintes contre ces gens-ci, & de travailler à notre élargiſſement, aucune, dis-je, ne nous a jamais tenu parole… Encore une fois appaiſent-ils nos plaintes, ou nous mettent-ils hors d’état d’en faire ? Lorſque nous demandons à celles qui arrivent des nouvelles de celles qui nous ont quittées,

  1. Voyez l’hiſtoire de Bretagne par Dom Lobineau.
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