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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/248

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mes reins s’inondent des preuves d’un délire dont les réſultats ſont ſi dangereux.

Couchons-nous, me dit enfin Clément ; en voilà peut-être trop pour toi, Théreſe, & certainement pas aſſez pour moi ; on ne ſe laſſe point de cette manie quoiqu’elle ne ſoit qu’une très-imparfaite image de ce qu’on voudrait réellement faire ; ah ! chere fille, tu ne ſais pas juſqu’où nous entraîne cette dépravation, l’ivreſſe où elle nous jette, la commotion violente qui réſulte dans le fluide électrique de l’irritation produite par la douleur ſur l’objet qui ſert nos paſſions ; comme on eſt chatouillé de ſes maux ! Le déſir de les accroître… voilà l’écueil de cette fantaiſie, je le ſais, mais cet écueil eſt-il à craindre pour qui ſe moque de tout. Quoique l’eſprit de Clément fût encore dans l’enthouſiaſme, voyant néanmoins ſes ſens beaucoup plus calmes, j’oſai, répondant à ce qu’il venait de dire, lui reprocher la dépravation de ſes goûts, & la maniere dont ce libertin les juſtifia mérite, ce me ſemble, de trouver place dans les aveux que vous exigez de moi.

La choſe du monde la plus ridicule ſans doute, ma chere Théreſe, me dit Clément, eſt de vouloir diſputer ſur les goûts de l’homme, les contrarier, les blâmer, ou les punir, s’ils ne ſont pas conformes ſoit aux loix du pays qu’on habite,