Aller au contenu

Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/382

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 86 )


& dures comme le ſerait une peau de vache deſſéchée au ſoleil ; elle avait un cancer au ſein gauche, & un abcès dans la matrice, qui lui cauſait des douleurs inouies, tout cela était l’ouvrage du perfide Roland ; chacune de ces horreurs était le fruit de ſes lubricités.

Ce fut elle qui m’apprit que Roland était à la veille de ſe rendre à Veniſe, ſi les ſommes conſidérables qu’il venait de faire dernierement paſſer en Eſpagne lui rapportaient les lettres de change qu’il attendait pour l’Italie, parce qu’il ne voulait point porter ſon or au-delà des monts ; il n’y en envoyait jamais : c’était dans un pays différent de celui où il ſe propoſait d’habiter, qu’il faiſait paſſer les fauſſes eſpeces ; par ce moyen ne ſe trouvant riche dans le lieu où il voulait ſe fixer, que des papiers d’un autre royaume, ſes friponneries ne pouvaient jamais ſe découvrir. Mais tout pouvait manquer dans un inſtant, & la retraite qu’il méditait, dépendait abſolument de cette derniere négociation, où la plus grande partie de ſes tréſors était compromiſe. Si Cadix acceptait ſes piaſtres, ſes ſequins, ſes louis faux, & lui envoyait ſur cela des lettres ſur Veniſe, Roland était heureux le reſte de ſa vie ; ſi la fraude était découverte, un ſeul jour ſuffiſait à culbuter le frêle édifice de ſa fortune.

— Hélas ! dis-je en apprenant ces particularités, la providence ſera juſte une fois, elle ne