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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/430

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Tâchons de vous eſquiſſer maintenant les deux nouveaux perſonnages avec lesquels vous allez me voir. Le Monſeigneur dont je n’ai jamais ſçu le nom ni l’état, était, comme je vous l’ai dit, un homme de quarante ans, mince, maigre, mais vigoureuſement conſtitué ; des muſcles preſque toujours gonflés, s’élevant ſur ſes bras couverts d un poil rude & noir, annonçaient en lui la force avec la ſanté : ſa figure était pleine de feu, ſes yeux petits, noirs & méchants, ſes dents belles, & de l’eſprit dans tous ſes traits ; ſa taille bien priſe était audeſſus de la médiocre, & l’éguillon de l’amour, que je n’eus que trop d’occaſion de voir & de ſentir, joignait à la longueur d’un pied, plus de huit pouces de circonférence. Cet inſtrument ſec, nerveux, toujours écumant, & ſur lequel ſe voyaient de groſſes veines qui le rendaient encore plus redoutable, fut en l’air pendant les cinq ou ſix heures que dura cette ſéance, ſans s’abaiſſer une minute. Je n’avais point encore trouvé d’homme ſi velu : il reſſemblait à ces Faunes que la Fable nous peint. Ses mains ſéches & dures étaient terminées par des doigts dont la force était celle d’un étau ; quant à ſon caractère, il me parut dur, bruſque, cruel, ſon eſprit tourné à une ſorte de ſarcaſmes & de taquinerie faits pour redoubler les maux où l’on voyait bien qu’il fallait s’attendre avec un tel homme.

Eulalie était le nom de la petite Lyonnaiſe, Il