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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/66

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d’un peu plus, ou d’un peu moins de largeur dans une des parties de ſon corps. Eh ! qu’importe aux hommes ou à Dieu que cette partie ſoit intacte ou flétrie ? Je dis plus, c’eſt que l’intention de la Nature étant que chaque individu rempliſſe ici bas toutes les vues pour lesquelles il a été formé, & les femmes n’exiſtant que pour ſervir de jouiſſance aux hommes, c’eſt viſiblement l’outrager que de réſiſter ainſi à l’intention qu’elle a ſur vous. C’eſt vouloir être une créature inutile au monde & par conſéquent mépriſable. Cette ſageſſe chimérique, dont on a eu l’abſurdité de vous faire une vertu & qui dès l’enfance, bien loin d’être utile à la Nature & à la ſociété, outrage viſiblement l’une & l’autre, n’eſt donc plus qu’un entêtement répréhenſible dont une perſonne auſſi remplie d’eſprit que vous ne devrait pas vouloir être coupable. N’importe, continuez de m’entendre, chere fille, je vais vous prouver le déſir que j’ai de vous plaire & de reſpecter votre faibleſſe. Je ne toucherai point, Théreſe, à ce phantôme dont la poſſeſſion fait toutes vos délices ; une fille a plus d’une faveur à donner, & Vénus avec elle eſt fêtée dans bien plus d’un temple ; je me contenterai du plus médiocre ; vous le ſavez, ma chere, près des autels de Cypris, il eſt un antre obſcur où vont s’iſoler les amours pour nous ſéduire avec plus d’énergie, tel ſera l’autel où je brûlerai l’encens ; là, pas le moindre inconvénient, Théreſe, ſi les groſſeſſes vous effraient,