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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/67

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elles ne ſçauraient avoir lieu de cette maniere, votre jolie taille ne ſe déformera jamais ; ces prémices qui vous ſont ſi douces ſeront conſervées ſans atteinte, & quel que ſoit l’uſage que vous en vouliez faire, vous pourrez les offrir pures. Rien ne peut trahir une fille de ce côté, quelque rudes ou multipliées que ſoient les attaques ; dès que l’abeille en a pompé le ſuc, le calice de la roſe ſe referme ; on n’imaginerait pas qu’il ait jamais pu s’entr’ouvrir. Il exiſte des filles qui ont joui dix ans de cette façon, & même avec pluſieurs hommes, & qui ne s’en ſont pas moins mariées comme toutes neuves après. Que de pères, que de frères ont ainſi abuſé de leurs filles ou de leurs ſœurs, ſans que celles-ci en ſoient devenues moins dignes de ſacrifier enſuite à l’hymen ! À combien de confeſſeurs cette même route n’a-t-elle pas ſervi pour ſe ſatisfaire, ſans que les parens s’en doutassent ; c’eſt en un mot l’aſyle du myſtère, c’eſt là qu’il s’enchaîne aux amours par les liens de la ſageſſe… Faut-il vous dire plus, Théreſe, ſi ce temple eſt le plus ſecret, c’eſt en même temps le plus voluptueux ; on ne trouve que là ce qu’il faut au bonheur, & cette vaſte aiſance du voiſin eſt bien éloignée de valoir les attraits piquans d’un local où l’on n’atteint qu’avec effort, où l’on n’eſt logé qu’avec peine ; les femmes mêmes y gagnent, & celles que la raiſon contraignit à connaître ces ſortes de plaiſirs, ne regretterent jamais les autres. Eſſayez,

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