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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/73

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fait les trois meurtres, qui ne ſont rien pour nous, & de la lézion deſquels il n’arrive pas à nous, ſeulement une égratignure ; la faiblesse de nos organes, le défaut de réfléxion, les maudits préjugés dans leſquels on nous a élevés, les vaines terreurs de la Religion ou des loix, voilà ce qui arrête les ſots dans la carriere du crime, voilà ce qui les empêche d’aller au grand ; mais tout individu rempli de force & de vigueur, doué d’une ame énergiquement organiſée, qui ſe préférant, comme il le doit, aux autres, ſaura peſer leurs intérêts dans la balance des ſiens, ſe moquer de Dieu & des hommes, braver la mort & mépriſer les loix, bien pénétré que c’eſt à lui ſeul qu’il doit tout rapporter, ſentira que la multitude la plus étendue des lézions ſur autrui, dont il ne doit phyſiquement rien reſſentir, ne peut pas ſe mettre en compenſation avec la plus légère des jouiſſances, achetée par cet aſſemblage inoui de forfaits. La jouiſſance le flatte, elle eſt en lui, l’effet du crime ne l’affecte pas, il eſt hors de lui ; or, je demande quel eſt l’homme raiſonnable qui ne préférera pas ce qui le délecte à ce qui lui eſt étranger, & qui ne conſentira pas à commettre cette choſe étrangère dont il ne reſſent rien de fâcheux, pour ſe procurer celle dont il eſt agréablement ému » ?

— Oh ! Madame, dis-je à la Dubois, en lui demandant la permiſſion de répondre à ſes exécra-