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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/74

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bles ſophiſmes, ne ſentez-vous donc point que votre condamnation eſt écrite dans ce qui vient de vous échapper ; ce ne ſerait tout au plus qu’à l’Être aſſez puiſſant pour n’avoir rien à redouter des autres, que de tels principes pourraient convenir ; mais nous, Madame, perpétuellement dans la crainte & l’humiliation ; nous, proſcrits de tous les honnêtes gens, condamnés par toutes les loix, devons-nous admettre des ſyſtêmes qui ne peuvent qu’aiguiſer contre nous le glaive ſuſpendu ſur nos têtes ? Ne nous trouvaſſions-nous même pas dans cette triſte poſition, fuſſions-nous au centre de la ſociété ;… fuſſions-nous où nous devrions être enfin, sans notre inconduite ou ſans nos malheurs, imaginez-vous que de telles maximes puſſent nous convenir davantage ? Comment voulez-vous que ne périſſe pas celui qui par un aveugle égoïſme, voudra lutter ſeul contre les intérêts réunis des autres ? La ſociété n’eſt-elle pas autoriſée à ne jamais ſouffrir dans ſon ſein celui qui ſe déclare contre elle ? Et l’individu qui s’iſole, peut-il lutter contre tous ? Peut-il ſe flatter d’être heureux & tranquille ſi n’acceptant pas le pacte ſocial, il ne conſent à céder un peu de ſon bonheur pour en aſſurer le reſte ? La ſociété ne ſe ſoutient que par des échanges perpétuels de bienfaits, voilà les liens qui la cimentent, tel qui au lieu de ces bienfaits, n’offrira que des crimes, devant être craint dès lors, ſera néceſſairement attaqué s’il