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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/105

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LA MARQUISE DE GANGE

recherches par la maison de Villefranche. Point de nouvelles : une bougie encore allumée sur la table, des vêtements négligemment épars sur des fauteuils, et toutes les apparences d’une fuite précipitée. — Ils sont ensemble, s’écrie le marquis, et tu te trompes en la croyant seule. Mais c’est mon premier tort, ou plutôt l’apparence de tort qui occasionne le sien, et me voilà le plus à plaindre des époux. Malheureux voyage !… Complaisance blâmable de ma part !… Il semblait que je pressentisse tout ce qui vient de se passer. Allons, mon ami, ne perdons pas de temps ; parcourons les rues de la ville ; informons-nous de tous côtés… Cette partie de plaisir est affreuse pour moi… J’en avais toujours combattu le projet.

L’abbé, toujours fertile en ruses, en avait imaginé une seconde, dont l’emploi pouvait être incertain, mais qu’au besoin il avait toujours préparée. À peine son frère et lui sont-ils au bout de la rue qu’ils habitent, qu’un factionnaire leur crie : — Il est minuit, on ne passe plus. — Mais, monsieur. — On ne passe plus, vous dis-je. — Retournons sur nos pas, dit Théodore ; peut-être une issue plus facile se présentera-t-elle du côté où nous logeons. Mais, à peine sont-ils à l’autre extrémité de cette rue, qu’un nouveau factionnaire leur crie la même chose ; ils ne peuvent même plus rentrer chez eux. — Mais, monsieur, il n’y a qu’un instant… vous n’étiez pas là. — Cela est