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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/126

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LA MARQUISE DE GANGE

je voulais qu’on lui ôtât dans son couvent tous les moyens d’écrire ; que l’évêque surtout ne donnât point de ses nouvelles ; tout, dis-tu, avait été bien promis, et l’on n’a rien tenu. Alphonse, par ce moyen, eût couru le monde sans la trouver ; se lassant de soins inutiles, il eût à la fin pris son parti, et je devenais le maître de ma sœur ! — C’est une négligence de monseigneur, dit Perret ; car j’avais bien recommandé cette importante clause, en lui peignant la nécessité de faire arrêter votre belle-sœur, courant le monde avec de jeunes officiers et des chefs de bandits. Quoi qu’il en soit, monsieur, poursuivit Perret, tranquillisez-vous la réputation de cette femme orgueilleuse se trouve furieusement ternie par mes soins : on a publié l’aventure ; je l’ai répandue partout. — Tant mieux, dit Théodore ; c’est quelque chose au moins : on gagne souvent beaucoup à diffamer une femme ; il en existe un grand nombre qui n’ont consenti à se jeter dans le désordre que parce qu’on les y croyait déjà. Les résultats de la calomnie sont toujours très favorables à des projets tels que les nôtres ; ce poison de la méchanceté des hommes est celui qui s’étend avec le plus de vivacité, et dont les plaies sont le plus difficiles à se fermer. Nous ne devons pas cesser de le mettre en usage ; et d’ailleurs, mon frère n’abandonnera-t-il pas sa femme, quand il la croira déshonorée ? Et n’est-ce pas de cet abandon que