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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/127

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LA MARQUISE DE GANGE

je dois tirer mon bonheur ? — Mais si elle nous découvre… — Jamais. Personne ne possède comme moi l’art de se cacher derrière les circonstances, et de les faire naître au sein de la vérité même. Le comte n’est pas aussi amoureux que je le voudrais. — Comment, monsieur, vous désirez qu’un autre soit amoureux de celle que vous adorez ? — Oh ! l’amour de Villefranche m’embarrasse fort peu : je l’éteindrai quand il faudra, et si je le nourris à présent, c’est qu’il me devient nécessaire pour les perdre tous d’eux. Rassure-toi, Perret ; ou je me trompe fort, ou tu verras dans peu de singuliers événements.

Les choses en étaient là, quand madame de Châteaublanc, mère de madame de Gange, arriva au château : le bruit de l’aventure de sa fille l’y attirait, et elle parut désirer des éclaircissements. L’abbé avait bien envie de se charger seul du soin de les donner ; il l’eût fait à sa fantaisie, et les impressions qu’il eût produites chez madame de Châteaublanc eussent sans doute servi ses projets ; mais que de dangers, d’un autre côté, si des instructions plus vraies étaient parvenues à cette respectable mère ! Les faits furent donc développés par madame de Gange elle-même, et certifiés par Alphonse. Quoique sa fille n’eût d’autre tort qu’un peu d’imprudence, sa mère la blâma beaucoup.

— Ma chère enfant, lui dit affectueusement