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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/146

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LA MARQUISE DE GANGE

Mais cessons une digression où nous entraîne notre sujet, et reprenons-le, quelque pénible qu’il soit à suivre.

— Je vais entrer chez la marquise, dit Alphonse en se réveillant ; je suis curieux de voir avec quel front elle excusera son ignominie… Veux-tu m’y suivre, Théodore ? — J’y serais déplacé je nuirais à l’explication. Sois à la fois doux et ferme : écoute ce qu’elle te dira ; pardonne-lui, si elle a raison ; point de pitié, si elle ne peut se laver de ce que tes propres yeux découvrirent hier. — Se disculper, je l’en défie. — Ah ! mon ami, ne sais-tu donc pas combien l’amour est confiant ? Elle te prouvera que tu n’as rien vu, parce qu’elle sait bien qu’on croit tout d’une épouse chérie ; elle sortira de cet examen aussi pure que tu as eu la faiblesse de la croire dans l’histoire de Deschamps, auquel il est pourtant certain qu’elle a tout accordé. — Ah ! n’ouvre donc pas de nouvelles plaies, quand je cherche à guérir celles qu’on vient de me faire. — Je dois être cruel par amitié pour toi, je le suis ; je dois avoir le courage de faire tomber le voile de tes yeux, je l’arrache ; tu veux encore être trompé, tu vas l’être ; il est si doux d’excuser ce qu’on aime ; si agréable pour l’amour-propre d’être mis dans une telle situation, qu’on ne puisse plus croire à l’infidélité, et tu es naturellement si faible ! — Je te convaincrai bientôt que je ne