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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/212

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LA MARQUISE DE GANGE

maîtres d’hôtel, les valets de chambre composaient les phalanges avignonnaises, et, comme le service n’était ni long ni fatigant, les maîtres n’avaient pas au moins longtemps à se priver de leurs valets.

Une autre cause du malaise populaire de ce pays était l’indulgence du souverain, qui n’y levait aucun impôt.

L’exemption totale de l’impôt, en multipliant les aises du riche, plonge inévitablement dans l’inaction le peuple, qui n’a plus besoin de travailler, puisque les charges ne pèsent pas sur lui. D’ailleurs, l’enclavement d’un pareil État, presque mort, dans un plein de nerf et d’industrie, ne le conduisait-il pas inévitablement à sa ruine ?

Tous les peuples avaient un gouvernement ; Avignon seul n’en avait pas. Où les gens en place font ce qu’ils veulent, les affaires vont comme elles peuvent ; et cependant aucun souverain n’était despote comme le vice-légat : tout ce qu’il ordonnait était sans appel ; tous les arrêts des tribunaux se suspendaient dès que le vice-légat avait prononcé. Or, que sont les lois aux yeux d’un souverain qui les paralyse toutes les fois qu’il en a envie ! Les rois de France disaient : Je le veux ; le légat disait : Je l’ordonne.

Mais, afin de mettre à son comble l’appauvrissement de ce beau pays, croirait-on que la compagnie des fermes françaises payait deux cent