Aller au contenu

Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
203
LA MARQUISE DE GANGE

mille francs par an pour que les habitants du Comtat ne fabriquassent ni tabac ni indiennes ; ce qui plaisait infiniment aux vice-légats, qui préféraient avec raison l’arrangement assuré qui leur procurait de l’argent à une industrie dont le produit ne devenait pas pour eux aussi certain. Au moins, s’ils fussent restés dans le pays, l’argent qu’ils gagnaient s’y serait répandu ; mais au bout de six ans, comme nous l’avons dit, ils disparaissaient avec les sommes envahies.

On voyait beaucoup de ducs et de princes dans Avignon, sorte de tribut que le gouvernement percevait au lieu d’impôt ; car il en coûtait pour se revêtir de ces titres, qui ne s’obtenaient que par des bulles semblables à celles des évêques. On eût dit que les papes, ne pouvant plus faire de rois, se dédommageaient en créant au moins de grands seigneurs.

L’inquisition était en vigueur dans le Comtat, mais moins rigoureuse qu’en Espagne ; ce qui fait qu’on y voyait beaucoup de Juifs. Cette même singularité s’observe au-delà des Alpes et des Pyrénées. Il semble que, par un mouvement naturel, celui qui a peur doive se rapprocher de celui qu’il craint, comme pour l’adoucir ou pour l’observer. Près de cet appareil de sévérité, se voyaient cependant des immunités ou lieux de franchise ; c’est une justice à rendre à l’Église, qui établissait pour lors dans tous les