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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/249

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LA MARQUISE DE GANGE

dans la cour du château ; l’horreur du temps éloigne les portiers ; personne aux grilles ; elle les ébranle, les serrures cèdent, elles s’ouvrent… Euphrasie est libre.

Ah ! comme il est certain que les précautions incertaines du crime le trahissent à chaque instant !

L’orage redouble. Que va devenir Euphrasie, très parée, légèrement vêtue, comme on l’est enfin pour un bal ? Rien ne la garantit des dangers auxquels ce nouvel événement l’expose ; mais elle n’en connaît qu’un, celui qui la menace dans la maison qu’elle quitte ; elle avance avec empressement… Point de chemin, pas un sentier, pas un arbre : c’est derrière elle qu’elle laisse la route qu’elle devrait suivre. L’orage ne s’apaise point ; la foudre ne cesse de gronder ; les étincelles électriques, s’allumant sur plusieurs points à la fois, produisent des chocs sur les masses de matières éthérées qu’elles enflamment, et dont l’image est celle d’un combat dans les cieux. Ces bruits, précurseurs de la mort, retentissent avec fracas dans les vallons au-dessus desquels est situé le château. Presque aveuglée par les éclairs, qui ne scintillent que pour la plonger dans une obscurité plus profonde, Euphrasie ne trouve sous ses pas que ce qui sert à les entraver : ses pieds délicats s’enlacent dans les racines épaisses des ceps de vigne qu’elle parcourt au hasard.

Les nuées se fendent à la fin, et vomissent sur