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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/251

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LA MARQUISE DE GANGE

laissez-moi plutôt mourir ici ; le ciel exaucera mes vœux, et j’aime mieux périr par sa main que par la vôtre. — Venez, venez, madame, lui dit-on, vous avez trompé notre vigilance ; vous avez risqué de nous perdre ; mais des chaînes plus fortes vont vous préserver du sort où nous plongeait votre imprudence. À ces mots, deux hommes la saisissent ; ils l’enveloppent dans le manteau qu’ils portent, et ils prennent les meilleures précautions pour la ramener au château. Elle y rentre ; un de ses conducteurs se retire ; le second, après l’avoir remise dans la salle où elle était auparavant, y rentre avec une lumière. Mais qui reconnaît-elle alors ? Il est donc vrai que le ciel n’abandonne jamais la vertu… C’est Victor, ce fidèle valet du marquis de Gange, dont nous avons parlé au commencement de cette histoire, et qui, sorti pour quelques faibles mécontentements, était entré au service du duc de Caderousse : il reconnaît son ancienne maîtresse.. — Quoi ! c’est vous, madame la marquise ? dit-il en se jetant à ses genoux. Ah ! grand Dieu ! Comment vais-je vous tirer des dangers qui vous environnent ? — Où suis-je donc ici ? — Chez le duc de Caderousse, madame, le meilleur maître du monde, sans doute, mais l’homme le plus dépravé de son siècle. Les gens qui vous ont accompagnée m’avaient tout dit, excepté votre nom. Le duc vous a fait enlever à Avignon ; vous