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LA MARQUISE DE GANGE

et de l’abbé, qu’elle continuait de craindre, mais sans cependant donner à cet homme la moindre prise sur elle. Théodore lui faisait souvent des reproches de cette préférence.

— Vous avez oublié, madame, lui dit-il un jour, à quel point je vous aime ; vous ne vous rappelez plus que c’est en vous seule que je mets tout mon bonheur. — Mais il me semble que c’est vous, mon cher frère, que c’est vous-même qui, en me dévoilant la raison qui jadis vous faisait parler ainsi, m’avez promis d’oublier cette extravagance. — Puisque vous me parlez de ce temps-là, dit l’abbé, il faut donc que je vous révèle ici les motifs qui m’ont fait agir.

« Ce n’était pas, poursuivit Théodore, sans une extrême douleur que je voyais la désunion entre vous et votre mari. À quelque point que je désirasse votre possession, mon projet n’était pourtant point de l’acquérir au prix d’une séparation certaine avec Alphonse : je voulus, autant que possible, accorder mon amour avec les bienséances, en persuadant à mon frère que vous n’aviez aucun tort dans les différentes aventures qui vous étaient arrivées. Je croyais parvenir à mon but ; et, quoiqu’il fût certain que vous fussiez coupable… — Coupable, moi ? — Oui, madame, vous l’êtes : il est impossible de vous justifier ; malgré cela, dis-je, je voulus vous défendre. — Ô ciel ! quelles nouvelles horreurs ! — Non,