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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/284

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LA MARQUISE DE GANGE

sur celui de vos charmes ; les rayons qui partent de vos yeux me foudroient ; vous les avez empruntés au ciel ; ils doivent en imposer à une faible créature comme moi. Néanmoins, madame, il m’est absolument impossible de renoncer aux sentiments dont vous consumez mon âme ; tout en vous respectant, je ne puis cesser de vous idolâtrer, et je ne vous accorde que la moitié de votre demande. Je sors, madame ; je vous laisse. Descendez, Julie, descendez ; ayez le plus grand soin de madame ; prouvez-lui qu’elle est seule dans cette maison avec vous, et qu’elle se convainque par ses yeux que je retourne à l’instant chez moi. Mais songez que ceci n’est qu’une trêve ; je la romps dans deux jours : après-demain, à la même heure, je me rends ici, j’espère vous trouver dans des dispositions plus favorables. Si je me trompe, rien alors ne me fléchira, et j’obtiendrai de la violence ce que l’amour m’aura refusé. Je vous défends jusque-là, Julie, de laisser sortir madame. Songez que c’est sur votre vie que vous me répondez d’elle. Alors, sans ajouter un mot, Valbelle s’élance dans sa voiture, qui l’attendait à vingt pas de là, et retourne en hâte à Marseille, en laissant la marquise dans la plus violente agitation.

— Madame, lui dit Julie, dès qu’elle se trouva seule avec elle, j’ai de mon côté bien des excuses à vous faire d’avoir feint, pour vous nuire, un