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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/66

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LA MARQUISE DE GANGE

sans aucune prétention, se trouvait tête à tête avec mademoiselle de Roquefeuille, et Théodore avec Euphrasie ; mais il avait si bien arrangé les choses que les deux couples devaient nécessairement se retrouver au bout de l’allée double qu’ils parcouraient chacun de leur côté.

— Il me semble, dit Théodore à sa belle-sœur, que, dans cette promenade, chacun s’est à peu près arrangé comme il lui convenait. — Comment donc ? dit Euphrasie, — Mais oui, la sage madame de Roquefeuille moralise avec le père Eusèbe, et sa fille avec votre époux. Quant à moi, je suis loin de me plaindre : où pourrais-je être mieux qu’avec mon aimable sœur ? — Je trouve fort bien l’assortiment de votre premier tête-à-tête ; mais j’espère que vous plaisantez, en trouvant du mystère au second. — Oh ! la meilleure et la plus respectable des femmes, s’écrie l’abbé, de quel heureux caractère vous a douée le ciel ! On a bien raison de dire que ceux qui sont incapables de faire le mal ne le conçoivent pas dans les autres ; mais comme il est bien certain qu’il existe une dose de mal dans le monde, et qu’il faut absolument que ce mal soit commis, il est donc écrit dans les décrets éternels que quelqu’un doit avoir sa part de l’iniquité qui plane sur la tête de tous. Or, celle d’une infidélité bien constante pèse aujourd’hui sur votre époux ; et ce n’est pas le hasard, croyez-moi, qui le place main-