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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/67

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LA MARQUISE DE GANGE

tenant tête à tête avec Ambroisine. Mais, si vous voulez que je vous serve, si vous voulez que je vous convainque, jurez-moi le plus profond mystère, ou je vous laisserai dans l’afi’reuse position de vous douter de tout, et de ne pouvoir vous éclairer sur rien. — Ah ! mon frère, dit Euphrasie avec la plus vive émotion, de quelles armes vous servez-vous pour déchirer mon cœur ? Ne connaissez-vous donc pas sa sensibilité ? Ignorez-vous à quel point Alphonse m’est cher, et comme il est certain que j’aimerais mille fois mieux perdre la vie que son cœur ? — C’est parce que je sais tout cela, chère et aimable sœur, que je ne veux pas que vous vous aveugliez plus longtemps. Votre époux adore Ambroisine, et jamais il n’eut pour vous les sentiments dont il brûle pour cette jeune personne. J’ai peur que tout cela ne le mène plus loin qu’on ne pense, peut-être devriez-vous prendre une prompte initiative… Mais ici les forces manquèrent à la malheureuse marquise… Elle se laisse tomber près d’un arbre ; ses yeux se ferment. La voilà comme je la veux, dit méchamment Théodore, en courant chercher Villefranche, qui l’attendait au détour de l’allée. — Vole à la marquise, lui dit-il, elle est évanouie au pied de cet arbre ; prodigue-lui tes soins ; profite de la circonstance ; elle est à toi si tu le veux ; et, pendant que Villefranche accourt, Théodore entre avec précipi-