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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/91

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LA MARQUISE DE GANGE

cesse. Ce premier point établi, je pourrais me passer de combattre les conseils que l’on croit devoir vous donner, en raison de la certitude où l’on pourrait être de l’opinion que je détruis ; cependant je dois y répondre.

« Ayez donc la bonté de vous convaincre, madame, qu’il n’est permis dans aucun cas de se donner l’apparence d’un crime, soit pour en découvrir un, soit pour le prévenir. Dans l’acquiescement à ce faux principe, il y aurait, au lieu d’une, d’eux insultes faites à la vertu ; or, ce calcul est inadmissible, et vous devez le rejeter… le rejeter, dis-je, comme l’idée qui paraît l’autoriser. Votre mari n’est point coupable, et vous ne devez pas avoir l’air de l’être pour savoir s’il l’est en effet ; car s’il l’est, votre ruse, très immorale, n’empêche rien, et s’il ne l’est pas, elle l’offense. Je ne vous dirai-pas de vous méfier de la personne de qui vous recevez des conseils et des préventions de cette espèce : jamais il ne fut dans mon caractère de soupçonner le mal. On a cru, sans doute, ce qu’on vous disait, et l’on n’a pas craint ce qu’on vous a dit ; mais vous ne devez pas étayer votre opinion sur la faiblesse de celle des autres, ou vous alarmer par des chimères qui ne sont peut-être le fruit que de la bonté de l’âme de celui qui vous en effraie. Ne changez rien à votre conduite, madame ; que le redoublement de votre tendresse pour un époux innocent soit