Aller au contenu

Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en essayer, tu t’y accoutumerais bien promptement, — Oh ! madame, quelle dépravation ! — Mais la dépravation est l’assaisonnement du plaisir ; il n’en est aucun de vif sans elle. Que serait la volupté sans excès ? — Ah ! peut-on les porter jusques-là ! — Plains-moi… plains-moi, ma bonne, de ne pouvoir les pousser plus loin. Si tu savais où s’égare mon imagination, quand je suis dans le plaisir ! ce qu’elle conçoit, ce qu’elle invente ! Sois bien certaine, Justine, que tout ce que tu me vois faire est bien au-dessous de ce que je voudrais. Pourquoi faut-il que mes desirs soient concentrés dans cette forêt ? Que ne suis-je la reine du monde ! que ne puis-je étendre ces fougueux desirs sur la nature entière !… chaque heure de ma vie serait marquée par un forfait… chacun de mes pas par un meurtre. Si j’ai jamais desiré l’autorité souveraine, c’était pour me repaître de crimes ; j’eus voulu surpasser, par mes horreurs, toutes les femmes cruelles de l’antiquité ; j’eus voulu que d’un bout de l’univers à l’autre on eût effrayé les hommes et de mon nom, et de mes forfaits. La seule analyse du crime ne suffit-elle pas à en constater l’éloge ? Qu’est-ce qu’un crime ? C’est l’action qui, nous assouplissant les hom-