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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/213

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pieds à la tête, de la manière la plus brusque et la plus cavalière : quel âge avez-vous, lui demanda-t-il ? — Vingt ans, monsieur. — Et il joignit à cette première demande quelques questions sur son personnel. Justine raconta succintement les plus intéressantes particularités de sa vie, sans oublier la flétrissure de Rodin ; mais en déguisant avec art les horreurs où elle avait été contrainte chez le parent que l’on présentait à Gernande, elle peignit ensuite sa misère. Vous êtes malheureuse, interrompit le centaure, tant mieux… tant mieux, vous en serez plus souple… C’est un très-petit inconvénient, n’est-ce pas, messieurs, que le malheur poursuive cette race abjecte du peuple, que la nature condamne à ramper près de nous sur le même sol ? elle en est plus active et moins insolente ; elle en remplit bien mieux ses devoirs près de nous. — Mais monsieur, dit Justine, je vous ai dit ma naissance, elle n’est point abjecte. — Oui, oui, je connais cela, on se fait passer pour tout plein de choses quand on est dans la misère ; il faut bien que les illusions de l’orgueil viennent consoler des torts de la fortune ; c’est à nous de croire ensuite ce qui nous plaît, de ces naissances abattues par les coups du sort. Tout