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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/36

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de réflexion : — Je sais que d’autres femmes ont agi de même : Dona Capraria vient d’empoisonner son époux. — Qui vous arrête donc, ma chère ? — La crainte de votre mépris ; vous serez plus de sang-froid après la vengeance ; vous me mésestimerez. — Ne le craignez point ; je reconnaîtrai dans vous alors une fille ardente, courageuse, aimante, passionnée, une fille à caractère, en un mot, et que, par cela seul, j’adorerai mille fois plus ardemment. Ne balances plus, Véronique, ou tu perds à jamais mon cœur. — O mon ami ! mais le ciel ! — Frivoles craintes ; le ciel ne se mêla jamais des affaires du monde ; et ce ressort n’est plus dans les mains de l’homme, que l’arme émoussée du mensonge et de la superstition. Il n’y a point de Dieu ; et les peines ou les récompenses, basées sur cet odieux fantôme, sont aussi méprisables que lui. Ah ! s’il était un Dieu que le crime offensât, donnerait-il à l’homme tous les moyens de le commettre ? Que dis-je ! si le crime offensait cet auteur prétendu de la nature, le crime serait-il essentiel aux loix de la nature ? Songes donc que cette nature dépravée ne s’alimente, ne se soutient que par des crimes ; et que, si les crimes sont nécessaires, ils ne