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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/86

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l’entremise de ce valet-de-chambre qui l’avait engrossée, elle s’était évadée de Berlin dès la même nuit, et avait passé comme moi à Venise ; différentes aventures galantes l’avaient soutenue dans cette ville, jusqu’à ce qu’un pirate tunisien l’eût enlevée, et vendue au bey dont elle était devenue la favorite. Ce qu’elle m’apportait, quoique très-considérable, n’était pourtant que le tiers au plus des richesses dont ce souverain l’avait comblée ; mais elle n’avait pu emporter que cela : il y en avait à-peu-près pour cinq cent mille francs. Allons, ma chère, dis-je à Joséphine, voilà de quoi nous établir à Marseille ; nous sommes l’un et l’autre assez jeunes pour nous flatter de faire fructifier cet argent, et pour espérer d’être riches un jour. Ma main, continué-je faussement, deviendra, dès en arrivant, la récompense de tes soins, s’il est vrai que tu puisses réellement me pardonner le crime affreux dont je suis coupable envers toi. Mille tendres baisers de Joséphine furent sa réponse ; nous étions cachés à tous les yeux, le calme régnait encore dans le bâtiment, les douceurs de la liberté ; les fumées de Bacchus, tout nous enflamma, au point que les sacs sur lesquels nous étions, servîrent de