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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/140

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mon frère me procurait la vue, est trop intéressante, pour ne pas vous être détaillée ; et je vais, sans crainte de vous déplaire, en tracer jusqu’aux plus légères circonstances. Les expressions, dont il faudrait que je me servisse, devraient être aussi pures, je le sens, que l’âge que j’avais alors : mais mon récit perdrait à vous être transmis sous ces voiles ; et je dois, pour être plus exact, employer les termes, dont je me servirais, si j’avais aujourd’hui cette même scène à décrire. Commençons par les personnages.

Ma mère, vous le savez, avait vingt-trois ans ; elle était belle comme un ange ; les cheveux châtains, la taille pleine quoique leste et dégagée, des chairs fermes et d’une grande fraîcheur, de superbes yeux, mais le visage un peu allumé par le trop fréquent usage de l’intempérance de table… sorte de vice où l’avait entraînée le desir de plaire à son amant, qui ne jouissait jamais aussi voluptueusement d’elle, que lorsque l’excès du vin et des liqueurs lui avait fait perdre la raison.

Luce, maîtresse du père Ives le supérieur du couvent et l’ami de mon père, avait dix-huit ans, ainsi que je viens de le dire ; elle était blonde, de beaux yeux bleus, du plus