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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/234

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les trois corps. Allons, Justine, il est tems, dit-il en continuant de se branler, il est tems de nous séparer pour jamais… oui, pour jamais ; Justine, nous ne nous reverrons plus. Fille aveuglée, poursuivit-il, voilà pourtant le fruit de tes vertus ; regardes s’il n’eût pas mieux valu pour toi de ne jamais me secourir quand tu me rencontras, que de donner à ton bourreau, par ces secours, tous les moyens de te faire expirer de la plus effrayante des morts ; il descend les corps en disant cela ; puis, dès qu’il sent que le poids est à terre, le scélérat décharge au-dessus de leur tête, et d’affreuses invectives accompagnent encore les derniers élans de sa phrénésie. Tout se termine, et la pierre se ferme.

O malheureuse Justine ! ô fille trop infortunée ! te voilà donc vivante au milieu des morts, liée entre deux cadavres, et plus morte toi-même que ceux qui t’environnent !

« Juste Dieu ! s’écrie-t-elle en contemplant l’horreur de sa situation : est-il dans la nature un être aussi à plaindre que moi ? Dieu que j’implore, ne m’abandonnes pas, et donnes-moi la force nécessaire à me préserver du désespoir où mon triste sort me réduit. Rien de ce que tu fais n’est sans but ; je ne t’interroge