le bonheur ; car la vertu n’est, comme le crime, qu’une des manières de se conduire dans le monde ; il ne s’agit donc pas de suivre plutôt l’une de ces manières, que l’autre : il n’est question que de marcher dans la route générale ; celui qui s’en éloigne a toujours tort. Dans un monde entièrement vertueux, je te conseillerais la vertu, parce que les récompenses y étant attachées, le bonheur y tiendrait infailliblement : dans un monde totalement corrompu, je ne te conseillerai jamais que le vice. Celui qui ne suit pas la route des autres périt inévitablement ; tout ce qu’il rencontre le heurte ; et, comme il est le plus faible, il faut nécessairement qu’il soit brisé. C’est en vain que les loix veulent rétablir l’ordre, et ramener les hommes à la vertu. Trop prévaricatrices pour l’entreprendre, trop insuffisantes pour y réussir, elles écarteront un instant du chemin battu, mais elles ne le feront jamais quitter ; quand l’intérêt général des hommes les portera à la corruption, celui qui ne voudra pas se corrompre avec eux, luttera donc contre l’intérêt général ? Or, quel bonheur peut attendre celui qui contrarie perpétuellement l’intérêt des autres ? Me diras-tu que c’est le vice qui contrarie l’intérêt des