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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/245

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hommes ? Je te l’accorderais dans un monde composé d’une égale partie de bons et de méchans, parce qu’alors l’intérêt des uns choque visiblement celui des autres. Mais ce n’est plus cela dans une société toute corrompue ; mes vices alors n’outrageant que le vicieux, déterminent dans lui d’autres vices qui le dédommagent, et nous nous trouvons tous les deux contens ; la vibration devient générale ; c’est une multitude de chocs et de lésions mutuelles, où chacun regagnant aussi-tôt ce qu’il vient de perdre, se retrouve sans cesse dans une position heureuse. Le vice n’est dangereux qu’à la vertu, qui, faible et timide, n’ose jamais rien entreprendre. Mais quand elle n’existe plus sur la terre, quand son fastidieux règne est fini, le vice alors n’outrageant plus que le vicieux, fera éclore d’autres vices, mais n’altérera plus de vertus. Comment n’aurais-tu pas échoué mille fois dans ta vie, Justine, en prenant sans cesse à contre sens la route que suivait tout le monde ? si tu t’étais livrée au torrent, tu aurais trouvé le port comme moi. Celui qui veut remonter un fleuve, parcoure-t-il, dans un même jour, autant de chemin que celui qui le descend ? Tu me parles toujours de la Providence ; eh ! qui te