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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/64

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des plus hautes murailles, dont la vue lui avait été dérobée par l’épaisseur et par la quantité des arbres ; ces murs, hauts de trente pieds, larges de trois, étaient garnis de verre sur leur crête… Que devenir ? Le jour allait la surprendre dans cette perplexité. Que penserait-on d’elle, en la voyant dans un lieu où l’on ne pouvait raisonnablement la trouver, qu’en lui supposant un projet constaté d’évasion ? Pourrait-elle se soustraire à la fureur du comte ? Quelle apparence que cet ogre pût lui faire grâce !… Il allait s’abreuver de son sang ; elle le savait ; c’était la peine promise… le retour était impossible ; Volmire avait aussitôt retiré les draps ; frapper aux portes, était se trahir plus sûrement encore. Peu s’en fallut que la tête de notre pauvre Justine ne tournât tout-à-fait alors, et qu’elle ne cédât aux violens effets de son désespoir. Si elle avait reconnu quelque pitié dans l’ame de son maître, l’espérance un instant l’eût peut-être abusée ; mais un tyran, un barbare, un homme qui détestait les femmes, et qui cherchait depuis long-tems l’occasion de l’immoler elle-même, en lui faisant perdre son sang goutte à goutte, pour voir combien d’heures elle serait à mourir par ce supplice ! Quel moyen d’échapper