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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 7, 1797.djvu/187

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siques. Voilà la cause cruelle de mon erreur ; voilà ce qui va m’entraîner dans ce gouffre affreux de chagrins, voilà ce qui va flétrir ma vie ; tout va changer pour moi dans cet instant : les soupçons, les jalousies, les inquiétudes, vont devenir les alimens cruels de ma malheureuse existence ; et plus j’approcherai de mon bonheur, plus il se constatera, plus la fatale crainte de le perdre, empoisonnera mes jours. En renonçant aux épines de ce sentiment dangereux, n’imaginez pas que je me prive de ses roses ; je les cueillerai alors sans danger ; je ne prendrai que le suc de la fleur, j’en éloignerai toutes les matières hétérogènes ; j’aurai de même la possession du corps que je desire, et n’aurai pas celle de l’ame qui ne m’est utile à rien. Si l’homme s’éclairait mieux sur ses vrais intérêts dans la jouissance, il épargnerait à son cœur cette fièvre cruelle qui le brûle et qui le dessèche : s’il pouvait se convaincre qu’il n’est nullement besoin d’être aimé pour bien jouir, et que l’amour nuit plutôt aux transports de la jouissance qu’il n’y sert, il renoncerait à cette méthaphysique du sentiment qui l’aveugle, se bornerait à la simple